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Appel à communications - "Arts du cirque sans frontières. Pour une histoire mondiale du cirque de l’Antiquité à nos jours", Paris

  • effervescencesmedi
  • 15 mai 2024
  • 9 min de lecture

Le colloque se tiendra du 3 au 5 février 2025, à La Villette (Paris). Ce colloque sera hybride (présence et visio-conférence)



Depuis une vingtaine d’années, l’histoire du cirque bénéficie d’un dynamisme scientifique indéniable. Alors que ce développement intervient en même temps que celui des histoires globales, aucune véritable histoire mondiale du cirque n’a encore été entreprise. Le cirque est pourtant international par essence. Bien que des historiographes se soient déjà essayés à l'écriture d' « histoires mondiales du cirque » (Jando, 1977 ; Renevey, 1977 ; Mauclair, 2002 et 2003), la majorité des travaux étudient le cirque à l’échelle nationale voire locale. Par exemple, de nombreux travaux portent sur le cirque aux États-Unis (par exemple : Davis, 2002 ; Weber et al., 2012) mais aussi en Amérique latine. Des histoires nationales ont été écrites sur le Chili (Ducci González, 2012), Cuba (Menéndez, 2014 ; Venero de la Paz, 2016) ou encore le Mexique (Revolledo Cárdenas, 2010). On retrouve aussi des histoires « nationales » du cirque en Espagne (Matabosch, 2018), en Angleterre (Assael, 2005) en Australie (St Léon, 2006), en Union Soviétique (Neirick, 2012) en Inde (Anirban, 2014 ; Nisha, 2020 ; Gandhi, 2022) ou encore sur les arts acrobatiques chinois (Liang, 2018). Les approches régionales dominent parfois, comme au Brésil, avec des travaux qui s’intéressent à l’état de Bahia (Carvalho da Silva, 2014), le Minas Gerais (Horta Duarte, 1995) ou à Rio de Janeiro et ses environs (de Carvalho Lopes et Silva, 2019). Enfin certaines études se concentrent sur des villes, comme Barcelone (March, 2021), Buenos Aires (Infantino, 2014) ou San José au Costa Rica (Urbina Gaitán, 2002). Nonobstant la prédominance de ces approches nationales, quelques études transnationales ont été entreprises. La plupart portent à l’échelle du monde anglo-saxon et ont été produites par les chercheuses et chercheurs australiens Peta Tait (2016), Mark St Leon (2014) et Gillian Arrighi (2021) qui replacent l’émergence d’un cirque dit « moderne » dans une perspective coloniale. L’approche comparée a quant à elle été retenue par Caroline Hodak (2018) qui étudie l’émergence du théâtre équestre en Angleterre et en France aux xviiie et xixe siècles ainsi que Sabine Hanke (2020) qui met en perspective les cirques anglais et allemands durant le premier xxe siècle.

Ce colloque ambitionne de décloisonner ces historiographies en appelant les chercheurs et chercheuses en histoire et plus largement en arts et sciences sociales (arts du spectacle, histoire de l’art, sociologie, anthropologie, etc.) mais aussi les acteurs du monde artistique et culturel à croiser leurs approches. Ce colloque se voit comme un premier pas vers une histoire mondiale du cirque, sans ignorer les limites d’une telle entreprise. L’historiographie du cirque est récente et beaucoup d’aspects restent inexplorés. Les travaux établissant des ponts entre les différentes histoires nationales manquent. En outre, une partie d’entre elles n’ont pas encore été écrites. L’histoire du cirque dans certaines régions du monde, et à certaines périodes demeure largement méconnue. Par conséquent, des communications retenant une approche locale pourront être proposées si elles permettent d’attirer l’attention sur ces espaces où l’histoire du cirque reste à écrire. Néanmoins, l’accent sera mis sur les approches comparées ou connectées, globales voire mondiales. Il s’agira de mettre en avant des dynamiques interculturelles plutôt que des particularismes locaux.

Décentrer le regard, c’est également reconnaître la diversité des historiographies afin d’intégrer la multiplicité des recherches face à une production centrée sur l’Occident. Alors que se multiplient aujourd’hui les entreprises historiques collectives qui cherchent à penser et faire connaître la diversité des récits historiographiques dans le monde (Kouamé et al., 2020), les premières entreprises de bibliographie mondiale en cirque se caractérisent par une recension majoritairement anglophone. La World Bibliography de Raymond Toole-Stott (1958-1983) se limite par ses sources restreintes aux ouvrages conservés dans les bibliothèques anglaises, françaises et américaines. Si ces écueils des recherches centrées sur l’Atlantique du nord marquent encore les études, certains historiens s’ouvrent à d’autres aires géographiques en Europe. Ainsi l’Union des Historiens du Cirque intègre à son Thesaurus Circensis (1990) l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas ou encore l’Espagne. La doxa de la « naissance du Cirque » (Denis, 2018) en Europe est cependant remise en cause par les historiographies d’ailleurs : comment écrit-on l’histoire [du cirque] en dehors du monde occidental ? (Kouamé et al., 2014) Comment les intégrer dans l’écriture de l’histoire mondiale du cirque ? Quelles sont les conséquences de ce décalage du regard ?

Décaler le regard, c’est également sortir des jalons chronologiques institutionnalisés par l’usage occidental. Porter une nouvelle approche historiographique revient à déconstruire les récits qui démarrent en 1760 : écrire l’histoire du cirque à Cuba demande à interroger les sources de la fin du XVe siècle (Venero de la Paz, 2016), quand celle du Mexique commence avec la maroma à l’époque moderne (Revolledo Cárdenas, 2010 ; Pescayre, 2017) voire s’inscrit dans des pratiques plus anciennes (Gutiérrez, 2017). Ce décalage appelle aussi à élargir les bornes chronologiques de cette histoire occidentale du cirque, depuis les études sur l’Antiquité (Álvarez Jiménez, 2018 ; Forichon, 2021 ; Dasen, 2019), le Moyen Âge (Clouzot, 2002, 2011 ; Faral, 2011 [1910] ; Rey-Flaud, 1998) ou l’époque moderne (Porot, 2021 ; Martin, 2007). Ce regard sur le passé nous amène enfin à examiner la terminologie et l’usage normalisant du terme de « cirque ». Lorsque Kim Baston (2018) étudie une variété de pratiques spectaculaires dans l’Empire Ottoman, elle réserve le mot « cirque » à une tradition euro-américaine, tout en reconnaissant une valeur catégorielle à cette notion.

Afin de contrebalancer la « cirquisation » (Pescayre, 2017) et les problèmes de dénomination (Martin, 2021) des études actuelles, l’approche par l’histoire des pratiques et disciplines en renouvelle la construction historienne. Des historiographes et artistes ont cherché à inscrire les disciplines dans une histoire longue transformant les chronologies en usage, depuis l’acrobatie en Occident (Strehly, 1880) ou en Chine (Fu, 1985), le jonglage (Ziethen, 1981-1982 ; 2017) l’art du clown (Rémy, 1945) les pratiques corporelles spectaculaires (Depping, 1871 ; Desbonnet et Chapman, 2022 [1911]), l’équitation (Gaussen, 1893) ou le domptage (Thétard, 1928). Aborder le cirque par ses disciplines étend la compréhension des mouvements et évolutions esthétiques particuliers, que ce soit le domptage (Rivière, 2022), le clown (Brailowsky, 2020 ; Vienne-Guérin, 2020) ou les pratiques foraines (Gourarier, 2002). Ce travail de déconstruction des normes permet de dépasser des dichotomies, notamment dans l’opposition entre les cirques moderne et contemporain. Repenser la chronologie, c’est ne pas accepter de ruptures a priori, voire de révéler des continuités alors impensées. En effet, le choix d’inscrire le cirque contemporain dans les études historiques souligne l’importance d’une étude scientifique d’un champ qui reste à défricher.

Il s’agit enfin de dépasser le schéma classique canonisé par Henry Thétard dans La Merveilleuse histoire du cirque (1947) qui consiste à retenir des entrées par pays et/ou disciplines, en se concentrant sur les grandes entreprises et les artistes les plus reconnus (dans le regard occidental). Pour cela cinq axes transversaux ont été retenus. Les propositions pourront s’inscrire dans un seul ou en associer plusieurs.


Circulations et itinérance (déplacement, échanges, contrôle)

Dans de nombreux contextes, les arts du cirque sont pratiqués par des troupes itinérantes, qu’on les nomme « cirque » ou autrement. Les déplacements constituent un enjeu central de l’histoire du cirque. Ce colloque posera ainsi la question des régimes de mobilité et des stratégies de l’itinérance mises en œuvre par les « circassiens », telle que la pose par exemple Mark St Léon (2014) à l’échelle du Pacifique. La réflexion pourra porter sur des groupes constitués aussi bien que des personnes ; il s’agira de comprendre les logiques qui sous-tendent le modèle itinérant. Ces mobilités s’accompagnent d’immanquables échanges – économiques, mais pas seulement – auxquels pourront aussi s’intéresser les propositions. Par ailleurs, les autorités cherchent en général à réguler et encadrer ces artistes nomades. Dans la lignée des travaux de Caroline Hodak (2018) ou de Chester Urbina Gaitán (2002), les propositions portant sur les relations entre cirques et autorités seront également considérées avec intérêt.


Artistes et entrepreneurs de cirque (itinéraires, groupes et imaginaires sociaux)

L’histoire du cirque doit aussi être écrite au prisme de l’histoire sociale et économique de ses acteurs et des contextes nationaux et internationaux. En effet, l’inscription des entrepreneurs de cirque dans le contexte politique et économique du marché du spectacle éclaire les itinéraires et les stratégies adoptées pour survivre (Hodak, 2018). Si les logiques et enjeux économiques contemporains sont considérés dans l’analyse de l’évolution des arts du cirque (David-Gibert et al., 2006), l’évolution de l’économie du spectacle vivant sur le temps long fait apparaître les ruptures et crises, mais également les contextes de censure, de libéralisation du marché, ou encore de privilèges accordés aux établissements ou aux artistes (Leroy, 1990). Un jeu d’échelles permet des approches diversifiées nécessaires à l’histoire sociale et économique du cirque, que ce soit les itinéraires d’artistes comme Chocolat (Noirel, 2012) ou Colleano (St Leon, 2000), de compagnies comme la Troupe acrobatique de Tanger (Telhine, 2013) ou la compagnie Alexis Gruss (Petiteau, 2018), d’entreprise particulière comme le Cirque du Soleil (Toewe, 2014), le cirque Olympique (Yon, 2005) ou le FitzGerald Brothers' Circus (Arrighi, 2015). L’histoire sociale explore la sociologie des artistes de cirque, depuis la définition de groupes professionnels (Sizorn, 2013) ou l’apparition de nouveaux artistes (Garcia, 2011), voire l’évolution de groupes sociaux (Barré-Meinzer, 2004).


Les spectacles (esthétiques, mouvements, hybridations)

L’histoire du cirque demande aussi d’étudier les créations et explorer les mouvements esthétiques qui structurent l’évolution des disciplines. L’interdisciplinarité de ce colloque interroge la structuration de modèles esthétiques, depuis un travail d’histoire des arts du cirque jusqu’aux approches localisées. Ces études éclairent l’écosystème socio-politique et culturel qui permet l’émergence de nouvelles esthétiques, à l’instar des études sur l’histoire du domptage dans un contexte colonial (Tait, 2012, 2016), ou de la contorsion en Occident (Martinez, 2021). Les études collectives sur les esthétiques, poétiques et hybridités du cirque (Tait et Lavers, 2016 ; Füchs et al., 2020 ; Jürgens, 2016 ; Jürgens et Hilbrand, 2022 ; Goudard, 2010 ; Wallon, 2013), sont complétées par des approches géographiques. Ces travaux inscrivent l’évolution des esthétiques selon les aires culturelles : la Catalogne (Jané et Minguet, 2006), le Canada (Leroux et Batson, 2016), l’Angleterre (Saxon, 1978) ou encore l’Amérique du Sud (Infantino, 2023). Les études des acrobates marocains (Escher, 1999) ou éthiopiens (Kendall, 2017) mettent également l’accent sur des pratiques spécifiques à des groupes déterminés. L’approche historienne explore des courants plus actuels afin de les réintégrer dans un temps long, depuis le cirque moderne jusqu’au cirque contemporain (Guy, 2001 ; Trapp, 2023), en passant par le nouveau cirque (Maleval, 2010). Cette histoire réinterroge le passé des disciplines, à l’image des études de Martine Clouzot sur le jonglage (2011), et examine les héritages des artistes d’aujourd’hui.


Les réceptions du cirque (publics, espaces, médias)

Au sein du vaste chantier d’écriture de l’histoire du cirque, la question de la réception par les publics semble essentielle afin d’ancrer ce récit dans le champ de l’histoire sociale (Petiteau, 2021). Si les sources ont tendance à évoquer un public générique, leur étude permet de comprendre la vie autour de la piste, voire les expériences spectatorielles (Lochert et al., 2022). L’étude des publics du passé à nos jours (Salaméro, 2017) soulève un nombre d’enjeux autour du cirque : les conséquences sur la création, la programmation (Cordier et al., 2021) ou les représentations. En effet, au-delà du spectacle, se forment des imaginaires du cirque (Hotier, 2005) produits par les différents discours médiatisés. D’un côté, les artistes publient mémoires et documents de communication qui véhiculent les discours et légitiment leurs pratiques (Rivière, 2019) ; de l’autre, les différents médias évoquent le cirque et construisent une constellation de représentations. La presse (Goudard et Amy de la Bretèque, 2018 ; Rivière 2022), la télévision (Goudard et Vienne-Guerrin, 2020), mais aussi la littérature (Basch, 2002) ou le cinéma (Denis et Houillère, 2019) permettent la circulation des formes circassiennes. Nous n’attendons cependant pas une histoire des représentations du cirque, mais nous souhaitons comprendre la place des médias comme acteurs de son histoire, dans sa diffusion, sa légitimation (Rosemberg, 2004), voire sa transformation. Enfin, nous souhaitons évoquer les espaces de cette réception, depuis la place donnée aux chapiteaux fixes et ambulants dans l’espace urbains jusqu’aux évolutions des modèles de diffusion, en passant par les espace-temps dédiés au cirque que sont les festivals. En effet, l’histoire des festivals de cirque comme ceux de Monte-Carlo, de Gérone, ou de Demain ouvre le regard sur le phénomène de diffusion et de globalisation du cirque, ouvrant le marché européen à des compagnies venues d’Asie, d’Afrique, d’Océanie ou d’Amérique.


Écrire l’histoire du cirque (historiographie, sources, héritages)

Ce colloque sera enfin l’occasion de mener une réflexion épistémologique sur l’histoire du cirque. Il s’agira d’abord de faire un tour d’horizon des historiographies et de revenir sur les manières différenciées d’aborder la question du cirque et de son histoire, dans le temps mais aussi l’espace. Il pourra par exemple s’agir d’étudier les travaux des historiographes, premiers à s’emparer du sujet avant les chercheurs académiques. Il pourra aussi s’agir de proposer une réflexion sur les sources, dans la lignée de travaux déjà menés sur les affiches de cirque (Le Men, 1991 ; Anglays, 2009), les sources judiciaires (Lavrov, 2013) ou encore les usages de la presse au service de l’histoire du cirque (Villa, 2023). Dans une perspective mondiale et post-coloniale, l’histoire du cirque peut également être envisagée au travers des sources orales et des phénomènes de filiations et de traditions incarnées. Enfin, la question pourra être abordée sous l’angle des mémoires et des héritages, de la perception qu’ont les cirques et les circassiens de leur passé.


Les propositions de communication comportent un titre, un résumé de la communication (2000 signes maximum, espaces inclus), la langue de communication, une courte présentation de l’auteur(e) (statut, thématiques de recherche, mails, etc. 500 signes maximum), le ou les axes dans lesquels s’inscrit la communication prévue, ainsi qu’une bibliographie sélective. Les communications pourront être réalisées en français, anglais ou espagnol. Si possible indiquez votre préférence entre une participation en présence ou à distance.

Les propositions de communication doivent être envoyées à l’adresse : colloquecirque@gmail.com au plus tard le 01 septembre 2024.



 
 
 

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